En plein dans la pétaudière européenne

Comment démentir le démantèlement de l’Europe qui se poursuit ? Dans tous les domaines, les intérêts nationaux prennent le pas et l’élan européen est à retrouver. Ce n’est pas le sommet de cette fin de semaine qui va inverser la vapeur, qui ne va être qu’une étape mouvementée de la recherche d’un compromis. L’impasse des négociations sur le Brexit symbolise à sa manière l’état des relations entre les membres de l’Union, faute de trouver les modalités d’un divorce à l’amiable entre anciens partenaires.

Les tractations à propos du plan de relance européen en sont l’expression achevée, l’Union est devenue une auberge espagnole où chacun apporte son repas. Cela ne va pas manquer lors du sommet de ce week-end. Le Premier ministre hollandais Mark Rutte, et ses alliés, restent fermes sur leurs positions malgré les pressions et veulent garder un droit de veto sur l’application du futur plan de relance européen, pays par pays. Et, pas plus tard que le week-end dernier, la Pologne a reconduit de justesse Andrzej Duda, son président qui piétine les conventions de l’État de droit européen. C’est parti pour durer et cela laisse les autorités européennes désarmées quoiqu’elles en disent.

Désarmées, elles le sont également vis-à-vis de la Chine, de la Russie et de la Turquie en raison de leurs divisions et de la défense de leurs intérêts nationaux qui devient prioritaire dans le contexte actuel. Emmanuel Macron estime « crucial » que l’Europe adopte une politique méditerranéenne, soulignant qu’elle n’en dispose pas. Le chacun pour soi prend le pas et aucun projet d’envergure ne le contrarie. Même une simple coordination de l’ouverture des frontières se révèle inaccessible. La zone Schengen, déjà mise en cause par les mesures destinées à bloquer les réfugiés, en sort atteinte. Enfin, chaque pays se trouve seul confronté à la pandémie devant la crainte prononcée de sa deuxième vague.

Une autre vague est également redoutée, mais pour cette fois les dirigeants européens font corps. Les dix ministres de l’Intérieur d’Italie, de France, d’Allemagne, de Malte, d’Espagne, d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, de Libye et de Mauritanie « ont exprimé un clair engagement visant à prévenir et combattre le trafic de migrants dans le cadre de leur approche globale et équilibrée de la gestion des migrations ». Afin de prévenir de nouveaux afflux, ils ont décidé d’utiliser «  tous les moyens disponibles pour identifier et punir les réseaux criminels exploitant les personnes les plus vulnérables ». La lutte contre les passeurs, il n’y a que cela de vrai selon leur vision policière.

Le tableau serait incomplet s’il n’était fait état de la poussée souverainiste qui se manifeste devant cette paralysie. La contenir en Italie est une priorité, car elle donnerait sinon un signal dans toute l’Europe. Mais lui opposer la « souveraineté de l’Europe », en se voulant habile, n’est qu’une faible diversion si aucun projet fort ne vient l’étayer.

Qu’est ce qui prévaut encore ? Le remboursement des prêts accordés aux entreprises pèse sur leur avenir dans le contexte d’un retour poussif de la croissance et impliquerait de remédier à l’insuffisance de leurs fonds propres. Mais sur qui compter pour les recapitaliser ? Mal nommé, le plan de relance va en priorité devoir les consolider, les États continuant à leur accorder des faveurs sous la forme de baisses d’impôts. Comme cela ne suffira pas, il va falloir envisager des modalités de recapitalisation sur fonds publics, à l’échelle de chaque pays ou de l’Europe.

Le grand succès de l’Union bancaire est toujours en panne, et le principe du « bail in » (le renflouement des banques par les actionnaires et les créanciers, non par les pouvoirs publics) continue d’être bafoué et n’est plus tenable à force. C’est au tour du Portugal d’y apporter sa contribution afin de maintenir à flot Novo Banco en appliquant une clause de son sauvetage restée confidentielle et qui prévoit sa nationalisation quand les apports financiers ne suffisent pas.

Les bricolages vont se poursuivre, une fois péniblement négociés. Pourtant, les questions posées ne trouveront leur solution qu’à l’échelle européenne, mais cela semble hors de portée. Angela Merkel précise bien que l’effort « massif » qu’elle réclame n’est pas destiné à être poursuivi, et l’idée fixe des réformes libérales d’hier reste prégnante. La construction de l’Europe est inachevée et bancale, ses dimensions fiscales et sociales absentes.

7 réponses sur “En plein dans la pétaudière européenne”

  1. « Comment démentir le démantèlement de l’Europe qui se poursuit ?  »

    A « eux » de trouver les réponses.
    A « nous » de ne pas les croire, ou d’en juger sur leurs actes.

    L’Europe est morte comme idée collective, positive et bienfaisante. Elle présente de beaux restes, encore capables de donner des illusions. Sans sursaut improbable, elle aura implosé soumise à un choc externe exposant sa fragilité.

    Fondée sur le tout économique et quelques babioles subordonnées, elle périra de n’avoir pas su dépasser les égoïsmes économiques nationaux.

    De toutes les façons, il va nous falloir payer. Qui d’autres?

    J’espère être démenti.

  2. La guerre, c’est toujours un ultime recours, c’est toujours un constat d’échec, c’est toujours la pire des solutions, parce qu’elle amène la mort et la misère (cit.)

    1. Inutile de se faire des frayeurs, un bon petit régime autoritaire fera bien l’affaire afin de permettre à ceux qui en font – des affaires – de continuer à prospérer sur le dos des masses serviles.
      Quelques LBD40 judicieusement envoyés devraient calmer les ardeurs des plus réfractaires … au non de la défense de la démocratie.

        1. « Selon les arguments de la Commission, les montants versés par Apple à l’Irlande représentaient un taux d’imposition de 0,005% sur un an en Irlande, par rapport à l’ensemble de ses bénéfices hors des Etats-Unis ».

          A vomir au vu notamment de la situation sociale et économique.

          1. Sans compter que la gentille Commission qui veut faire payer des impôts aux entreprises et la méchante CJUE qui s’y refuse, se tiennent en fait par la barbichette.

            Encore une preuve dans le papier d’aujourd’hui de François Leclerc qui écrit :
            « De son côté, la Commission y met du sien pour desserrer l’étau financier et va annoncer une panoplie de mesures, estimant à 35 milliards d’euros le coût annuel de la fraude fiscale des entreprises pour l’Union européenne. »

            Or en 2012, il y a une éternité, un rapport sénatorial estimait pour la seule France le coût de la fraude fiscal à … 36 milliards d’euros, minimum.

            https://www.senat.fr/rap/r11-673-1/r11-673-1-syn.pdf

            En fait le coût de la fraude fiscale doit plutôt se situer en 2020 aux alentours des 100 milliards d’euros pour la France et être supérieur aux 1.000 milliards d’euros pour l’UE.

            Hier Al Caponne faisait régner la terreur sur cinq blocks. Aujourd’hui ses descendants font de même, mais sur cinq continents. Et en plus ne craignent-ils rien, puisque ce sont eux désormais qui font écrire les lois sous leur dictée.

            On disait naguère qu’une Église était une secte qui avait réussi, aujourd’hui peut-on dire qu’un État néolibéral, c’est une maffia qui a réussi.

Répondre à christilk Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.